ECHO DU CINE-DEBAT AVEC THIERRY MICHEL,
Réalisateur du film
L’Homme qui répare les femmes :
La colère d’Hippocrate.
A l’occasion de la sortie du film « L’HOMME QUI REPARE
LES FEMMES : La Colère d’Hippocrate », l’Association de la Communauté
Congolaise de Normandie a invité le réalisateur Thierry MICHEL pour un débat au
Café des Images à Hérouville Saint-Clair.
Le nombre de participants a largement dépassé nos attentes
(plus de 300) malheureusement, faute de places suffisantes (248), nous n’avons
pu accueillir tout le monde.
Parmi les invités, il y avait les représentants de la Mairie
d’Hérouville Saint-Clair : Mme Baya MOKHTARI, Maire-Adjointe en charge de
l’animation, de l’égalité des chances, de l’Economie Sociale et Solidaire et
Mme Salima REGAÏA, Conseillère Municipale déléguée à l’insertion sociale et à
la médiation sociale.
Aux côtés de Mr Thierry MICHEL étaient présents : Mme
Véronique PIANTIANO (représentante du Café des Images et modératrice du débat),
Mr Pierre MARGUERITE (représentant de la CIMADE), Mr Louis OKITOHAMBE et Mr
Jacques MUSAFIRI (membres de l’Association de la Communauté Congolaise de
Normandie).
Avant la projection du film, Mr Jean MAVOKA, Président de l’Association de la Communauté Congolaise de Normandie a chaleureusement accueilli les participants et les a remerciés de leur présence. Il a présenté Mr Thierry MICHEL et a regretté que tout le monde n’ait pas pu entrer faute de place.
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les intervenants |
Avant la projection du film, Mr Jean MAVOKA, Président de l’Association de la Communauté Congolaise de Normandie a chaleureusement accueilli les participants et les a remerciés de leur présence. Il a présenté Mr Thierry MICHEL et a regretté que tout le monde n’ait pas pu entrer faute de place.
Thierry MICHEL a relaté une partie de son parcours personnel,
son séjour au Brésil, dans les favelas où il découvre avec intérêt la culture
noire, cela va le mener au Zaïre (actuelle République Démocratique Du Congo)
où, il reviendra plusieurs fois pour des reportages et documentaires.
Sa première rencontre avec les femmes victimes de viols a eu
lieu au Maniema dans la ville de Kindu. C’est dans cette situation tragique où
les droits de l’homme étaient violés qu’il a découvert une personnalité qui
sortait du lot : le Dr MUKWEGE.
En collaboration avec Colette BRAECMAN, Thierry MICHEL réalise
alors le film qui vient d’être projeté. Le parti pris de Thierry MICHEL a été
de faire un film non seulement sur l’homme Dr MUKWEGE mais aussi sur ces femmes
combatives, tout cela situé dans les paysages grandioses de cette région. Pour
la musique du film, il avait fait appel à 3 compositeurs dont un Congolais EDO
BUMBA (qui vit à Lubumbashi).
Jacques MUSAFIRI fait un bref rappel historique du contexte de cette situation, de cette guerre qui a commencé en 1996, après le génocide rwandais. Le Rwanda et l’Ouganda avaient aidé leur pion Laurent Désiré KABILA à faire tomber MOBUTU, puis ils l’ont éliminé en 2001 parce qu’il ne défendait plus leurs intérêts. En 1998, le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi, sous le couvert de raisons sécuritaires ont envahi la RDC qui s’est défendue avec l’aide d’alliés (l’Angola, la Namibie, le Zimbabwe et le Tchad) provoquant ce qu’on a appelé « la 1ère guerre mondiale d’Afrique ». Celle-ci a fait 4 000 000 de victimes soit 6% de la population française ou 4 fois plus que les victimes du génocide rwandais. Il insiste sur le fait que cet acte de viol est utilisé comme arme de guerre et ce film permet de mettre en exergue ces personnes qui, depuis 15 ans, meurent dans l’anonymat le plus total.
Jacques MUSAFIRI précise également, que ce film avait été
interdit en RDC lors de sa sortie et que ce n’est qu’en septembre dernier qu’a
été levée cette mesure autoritaire.
Thierry MICHEL renchérit en expliquant qu’en effet en RDC les
gouvernants cultivent l’amnésie, au point qu’il y a encore peu de temps le Dr
MUKWEGE était inconnu dans son pays et illustre à l’Etranger. Parce que
certains hommes actuellement au pouvoir (ministres, chefs d’état-major) sont
protégés par ce silence. Par ailleurs, les Nations Unies y ont contribué en
expurgeant du « rapport mapping » publié en 2010 les noms des
personnes incriminées.
Ces viols ont pour but de détruire physiquement et
psychologiquement les femmes ainsi que leurs familles pour terroriser les
populations locales et les obliger à quitter leurs terres afin de laisser la
place aux prédateurs qui pillent le sous-sol congolais immensément riche (70%
des réserves mondiales de Coltan, mais aussi d’autres minerais précieux tel que
l’uranium, l’or…).
Pierre MARGUERITE de la CIMADE remercie les réalisateurs pour
ce film magnifique qui ose dénoncer les ignominies qui se passent en RDC. Il
exhorte le public à ne pas se taire mais à condamner avec véhémence ces
tortionnaires, car si on se tait, ils restent impunis. La dénonciation a
toujours des répercussions positives.
Thierry MICHEL parle du débat sur la question de la
transparence de la provenance des minerais de sang. Mais que ce n’est pas gagné
parce qu’il y a une divergence entre d’un côté, les Ecologistes et Socio-démocrates
qui ont approuvé et de l'autre, les Conservateurs et les Libéraux qui ont
refusé. Cette loi de la transparence a été adoptée par les Américains.
Louis OKITOHAMBE pose une question à Thierry MICHEL sur la
critique qui lui a été faite dans le journal « Jeune Afrique » lui
reprochant d’avoir fait un portrait hagiographique du Dr MUKWEGE dans son film.
Thierry MICHEL dit qu’il l’assume parce que devant les
horreurs sans nom auxquelles il a été confronté, il ne pouvait en être autrement.
Une intervention dans public : « On ne peut qu’être à la fois choqué par cette violence à travers le
viol et admiratif de la mobilisation populaire et la capacité de résilience de
ces femmes. A nous de nous interroger sur les causes de ces viols, la
responsabilité des multinationales, à quand le tribunal pénal économique et
qu’en est-il du Tribunal Pénal International pour la RDC ? »
Thierry MICHEL explique que comme on l’a vu dans le
film, actuellement en RDC la justice n’est que parodie et que l’Occident
ne mettra pas en place un TPI d’une part pour des raisons économiques (trop
cher) et d’autre part parce que jusqu’à présent la RDC l’a refusé. Tout comme
le Parlement Congolais a refusé la mise en place des tribunaux mixtes composés
des Congolais et des membres de la communauté internationale.
Il ajoute que l’idée d’un Tribunal Pénal Economique est
intéressante, car certaines multinationales ont des pratiques maffieuses dont
un des derniers forfaits a été la fermeture des mines de Kolwezi par spéculation
sur le cours du cuivre sans se soucier du sort des ouvriers et de leurs
familles.
Un autre intervenant dans le public : « Jusqu’à présent, on ne montrait que les
côtés négatifs de l’Afrique et qu’à chaque fois qu’il y avait des maladies
graves en Afrique, c’était des médecins occidentaux qui étaient mis sur le
devant de la scène, pour ne citer qu’un exemple le Dr BENATO qui fait des
reconstructions faciales au BURKINAFASO. Il avait déjà vu un documentaire sur
le Dr MUKWEGE faite par une réalisatrice sénégalaise (Angèle DIABANG) et il
était content que son travail soit mis en avant ».
Mr Thierry MICHEL précise qu’en effet, le Dr MUKWEGE travaille non seulement comme médecin, mais aussi comme psychologue, pasteur et aide juridique en apportant sa contribution aux associations qui aident ces femmes à retrouver leurs droits dans la société et à obtenir justice ; et il a même fait recours à l’association « V-Men » pour sensibiliser les hommes au rôle important qu’ils doivent jouer dans ce combat.
Mr Thierry MICHEL précise qu’en effet, le Dr MUKWEGE travaille non seulement comme médecin, mais aussi comme psychologue, pasteur et aide juridique en apportant sa contribution aux associations qui aident ces femmes à retrouver leurs droits dans la société et à obtenir justice ; et il a même fait recours à l’association « V-Men » pour sensibiliser les hommes au rôle important qu’ils doivent jouer dans ce combat.
Pierre MARGUERITE fait remarquer qu’il ne faut pas penser que
le viol comme arme de guerre est seulement pratiqué par les Africains, mais
qu’il a aussi été utilisé pendant la guerre de l’ex-Yougoslavie où on violait
les femmes musulmanes. Malheureusement depuis 10 ans cela semble se généraliser
un peu partout, entre autre en Syrie et en Irak.
Thierry MICHEL et Jacques MUSAFIRI évoquent «la journée
ville morte » du 16 février, demandée à la population congolaise par les
opposants au pouvoir en place pour réclamer le respect du calendrier électoral,
et massivement suivie au Congo. Cette manifestation montre que la population
n’acceptera pas passivement la dictature du pouvoir actuel.
Pour Thierry MICHEL, l’année 2016 est l’année de tous les
dangers car actuellement, les rapports de force entre le pouvoir et la
population s’exercent de façon « pacifique » pour faire changer les
choses, cependant cela pourrait basculer dans la violence si les gouvernants
persistent à ne pas respecter les échéances électorales.
Pierre MARGUERITE souligne le népotisme de la famille KABILA
qui n’hésite pas à pratiquer la torture et les enlèvements et qui en plus,
possède une immense fortune.
Un intervenant dans la salle : « Que peut-on faire à notre niveau pour faire
cesser ces viols ? »
Thierry MICHEL répond qu’il y a beaucoup à faire et que chacun
à son niveau peut apporter sa pierre, par exemple une association d’avocats
belges souhaite apporter une formation juridique aux avocats congolais, une
autre initiative serait de former une police scientifique car au Congo, il n’y
a pas de banque d’ADN par volonté politique, donc pas de possibilité de recueil
de preuve irréfutable ce qui a conduit à la banalisation du viol et on en est
arrivé au viol domestique par manque d’Etat de droit.
Pierre MARGUERITE rappelle qu’en République Centre Africaine,
l’armée française s’est aussi livrée à des actes de viols et qu’on attend
encore les jugements. Chacun à son niveau peut faire quelque chose en donnant
de son temps ou de l’argent à des ONG (Amnesty International, Human Rights,
Médecins du Monde, Médecins sans frontières etc …)
Une autre action est d’écrire son indignation à son député et
aux députés européens. Thierry MICHEL rebondit sur ce sujet étant donné que les
élus peuvent s’autodéterminer surtout s’il y a une pression de leur électorat.
Il rappelle que le 8 mars prochain (Journée de la Femme), le
Dr MUKWEGE et lui-même iront au siège de l’ONU à Genève où le film sera projeté
pour demander la levée de l’embargo sur les noms figurant dans le rapport
mapping. Car il n’est pas normal que les victimes voient d’une part leurs
tortionnaires parader en toute impunité et que d’autre part ces derniers soient
non seulement impunis mais aussi promus à de haut grade dans l’Armée et l’Etat.
Et que s’il y a une forte pression populaire, cela donnera d’autant plus de
poids à leur démarche.
Après ces échanges riches d’enseignement et pleins
d’espérance, la salle se lève dans un tonnerre d’applaudissements enthousiastes
et Jean MAVOKA, Président de l’Association de la Communauté Congolaise clôt la
soirée, en remerciant Thierry MICHEL et les autres intervenants ainsi que le
public, puis il exhorte chacun de nous à suivre l’exemple de cet homme
extraordinaire qu’est le Dr Denis MUKWEGE.
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photo souvenir |
Le secrétariat de l'Association de la Communauté Congolaise de Normandie
Dada MUSAFIRI et Jean-Pierre MUMPINI
Fait à Hérouville Saint-Clair le 24 février 2016